
Mont Thabor 2008
Mont Thabor dans le massif des cerces et le plateau d'Emparis

Mont Thabor et Emparis 2008
C'est avec mon frère André et un ami que nous avons arpenté les flancs escarpés du massif des Cerces et côtoyé ces nombreux lacs, parcouru de magnifiques sentiers en Oisans avec vue généreuse sur la Meije et ses glaciers, randonné sur les crêtes et traversé les vallées où se nichent dans une profonde quiétude des villages silencieux.
Souvent sous le soleil, quelque fois sous la pluie, fatigué ou en pleine forme c'est toujours avec un réel plaisir que mon esprit vagabonde sur les chemins bercés par le vent.
30 août : Mizoen (alt.1180) - Névache (alt1600). Dénivelé + 1185m. et - 1075m. Temps total 8h20.
Nous quittons le gîte d'étape Le Sarret à Besse en Oisans pour parquer la voiture au centre du pittoresque village fleuri de Mizoen, porte d'entrée de la vallée du Ferrand. Sortis du coffre, les bottines et nos pieds ne font plus qu'un. Les sacs garnissent nos épaules et nous descendons le GR 54 C par la rue principale.
Une courte mais raide pente coupe les lacets de la route pour descendre au barrage du Chambon où nous attendons le bus pour Le Monêtier-les-Bains. Sous les rayons du soleil qui percent la brume matinale, la surface tremblante et sombre du lac est zébrée de jets de lumière. Le bus nous prend en charge avec vingt minutes de retard. Pas étonnant car le chauffeur s'arrête quelques instants plus tard pour montrer à ses passagers deux chamois dans un pierrier. Une bonne heure de route pour remonter la vallée de la Romanche, passer le col du Lautaret et descendre dans la vallée de la Guisane jusque Monêtier. Après de vaines recherches auprès des gens du cru, c'est vers le haut du village que nous trouvons le sentier du col de Buffère. L'entame du parcours commence par une bonne montée à travers une forêt de mélèzes avec de belles échappées sur la vallée et la Montagne des Agneaux pour atteindre le plateau de la Moulette. Nous profitons de la vue superbe qui nous est offerte sur le massif des Écrins sous un ciel lumineux. Le vallon de la Moulette est remonté à travers une belle prairie jusque la jonction du GR57 et du GR50. Distraction ? Fléchage défectueux ? Ou erreur de navigation du guide concepteur de la rando ? Toujours est il que c'est par le col de Roche Noir (2693) et non par le col de Buffère (2427) que nous basculons dans la vallée de la Clarée par le GR 57. Du col qui porte bien son nom, vers le nord, le Mont Thabor avec sa couleur caractéristique est bien visible. Le sentier à peine tracé dans le vertigineux pierrier sommital s'adoucit à travers l'alpage le long du ruisseau du Raisin.
Nous marquons un temps d'arrêt au refuge du Chardonnet avant d'entamer la descente vers le fond de vallée. La cascade de Fontcouverte passée, nous accompagnons les flots tranquilles de la Clarée par le sentier qui serpente sous les mélèzes en rive droite. Il est 19 heures quand nous passons rive gauche de la rivière à l'entrée de Névache, village authentique. L'église Saint Marcellin construite a la fin du XVe siècle dans le style bien caractéristique des églises du Briançonnais est de toute beauté dans la lumière du soleil couchant.
A quelques mètres de l'édifice religieux,
nous trouvons le gîte « Le Creux des Souches » où en guise d'apéro
nous dégustons une « Tourmanche », bière régionale. Un bon repas
nous est servi par notre hôte dans une salle à manger au nombreuses voûtes
soutenues par un pilier central. Dépaysement total.
Ravitaillement à la boulangerie et départ avec le soleil levant qui baigne le village endormi d'une belle couleur jaune orange. Quelques pas sur l'asphalte et le GRP du Tour du Mont Thabor, par le col du Vallon, invite nos chaussures à rouler ces cailloux.Une courte montée pour dominer le torrent du Vallon. Dans l'alpage, le sentier épouse les courbes de niveaux pour se cabrer à l'approche de la chapelle Saint Michel (2100). À la demande du berger, nous contournons un important troupeau de mouton sous l'œil pacifique et vigilant d'un Patou qui déambule parmi les ovins. Au loin, tout là haut, entre le Rocher Blanc et les Tours du Vallon, la découpure arrondie du col est bien visible dans la dentelle de roches qui barrent l'horizon. Passage à proximité des chalets du Vallon perdu là dans l'alpage en contre-bas du sentier. Au fur et à mesure de la montée, la pierraille du sentier se transforme en fin gravier agréable au pas. A l'approche du col, le tapis d'herbes rases est parsemé de plaques de sable d'une belle couleur ocre. Parvenu au sommet (2645) le contraste est saisissant. Face sud, l'alpage verdoyant descend le vallon pour disparaître dans la vallée baignée d'une brume de rêve. La face nord, que nous allons descendre, n'est quant à elle qu'un amas de blocs de roches hétéroclites.
Sous les bourrasques d'un vent froid, la raide descente demande toute notre attention. Nous retrouvons un terrain plus propice à la marche à hauteur du Clos Sauvage. Belle vue sur le Mont Thabor qu'il nous vaudra grimper demain. Un long replat à travers la pelouse nous amène sous la Tête du Chien d'où nous dominons la Vallée Étroite. En recoupant les lacets du chemin pastoral le sentier dévale vers la jonction avec le GR5 et le GR57 (abandonné à Névache) que nous empruntons vers le nord. Au pont de la Fonderie nous passons rive gauche du ruisseau de la Vallée Étroite. Un raidillon parmi quelques mélèzes et nous remontons le Vallon de Tavernette en pente modérée pour atteindre la plaine du même nom. Le poids du sac, la longueur de l'étape et la rudesse du sentier commencent à se faire sentir. De nouveau l'inclinaison du terrain se fait rude pour nous hisser à la cote 2320 où lentement elle se couche. Le sentier file en pente douce à travers les herbes et nous emmène gentiment au col de la Vallée Étroite (2434) où par un quart de tour à gauche nous abandonnons le GR5. Quelques instants plus tard nous quittons le GR57 au niveau d'une petite étendue d'eau, pour nous rendre au refuge C.A.F. du Mont Thabor (2500).
Les
chaussures sont rangées dans la pièce ad ok et nous sommes accueillis par la
petite équipe bien sympathique. Les douches et l'eau chaude sont en panne. Le
pain qui accompagne le repas du soir et le petit déjeuner est plus que rassis.
Nos pieds reposés retrouvent leurs écrins pour rebrousser chemin et retrouver le balisage du GR57 à la cote 2430. Nous parcourons un sentier quasi horizontal à travers une pelouse pierreuse parsemée de blocs de roches blanches émaillées de lichens multicolores. Les joubarbes aux fleurs d'un rouge clair entourées de leurs rosettes égayent d'une touche de couleur cet univers austère. Les nuages de plus en plus menaçants se reflètent dans les eaux calmes du lac de Peyron. La silhouette inerte des flèches du Grand Séru se drape d'une brume obscure. Quelques gouttes d'une pluie froide nous accompagnent dans la montée au col des Méandes (2730) et déjà des trous bleus éclatent dans le ciel chahuté. Un petit repos au col avant de se mesurer à la rudesse du sentier qu'il nous faut gravir pour atteindre le sommet arrondi, couleur de terre, du Mont Thabor.
Une première raide déclivité zigzague dans la caillasse pour atteindre une croix métallique où Joseph contemple le paysage depuis un bon moment. Un court instant de répit sur le sentier qui s'adoucit sur une courte distance. Il reste 200 mètres d'ascension dans un terrain désertique avec la chapelle en point de mire. C'est éreinté et comblé que je foule le sommet. A l'abri du vent du nord, au pied de la chapelle, le pique-nique au pain plus que rassis piqué de moisissures veloutées d'une belle teinte verte est sorti des sacs. Rassasié, après avoir débarrassé nos quignons de la végétation cryptogamique, en quelques pas nous atteignons le sommet de notre randonnée, 3175 mètres.
Humilité devant un paysage grandiose à 360 degrés noyé dans une mer de nuages endiablés qui se caressent, se cognent, se mélangent et heurtent les dentelles de pierres dans un silence étonnant. Au nord, la Vanoise avec le glacier de Polset et vers le sud le massif des Écrins apparaissent furtivement dans les volutes nuageuses tourmentées. Les épaules retrouvent leurs charges à la chapelle où nous laissons une marque de notre passage dans le livre d'or. Il nous faut redescendre à l'altitude 2920 où nous passons le col de Valmeinier. La descente se prolonge barrée de quelques névés pour atteindre un champ de roches instables. À la recherche de rares cairns, nous louvoyons parmi les éboulis avant de trouver l'étroit sentier schisteux qui part à gauche à flanc de montagne.
Au sommet, à la Roche du Chardonnet (2950) où les nuages nous entourent, les marques blanches et rouges sont bien visibles et rassurantes. Avalés par la brume, nous longeons la ligne de crête. Les passages abrupts et délicats se succèdent jusqu'au col des Muandes (2828). La masse cotonneuse se dissipe pour nous offrir une vue sur le lac du Chardonnet et la Vallée Étroite. Nous perdons rapidement de l'altitude pour passer à droite du lac des Muandes et c'est sous le soleil que nous nous engageons dans la longue et agréable descente à travers l'alpage. Il nous faut traverser le torrent du Ravin des Muandes, côtoyer le lac Rond et partir vers la droite pour accompagner le torrent de Brune. À l'approche du talweg de la vallée naissante de la Clarée, le torrent dévale une pente abrupte. Nous l'imitons à une allure nettement plus modérée. Le Pont de Pierre est traversé et nous poussons la porte du refuge des Drayères accueillis par un gardien jovial.
Refuge
C.A.F., douche en panne, pas d'eau chaude (du déjà vécu).
Nos bottines lacées retrouvent la rudesse du GR57 qui remonte la côte Baudette. Nous côtoyons la Clarée, ici petit ruisseau aux eaux bouillonnantes qui se fraie un chemin en bondissant de roches en roches. Sur notre gauche se dressent telles des cathédrales qui se découpent dans un ciel azuré, les Pointes des Cerces, du Riou Blanc, et des Banchets. Prélude d'une zone humide, nous passons à côté d'un petit étang ceinturé de bouquets de linaigrettes. Les « flocons de laines » constellés de rosée fléchissent et frissonnent dans la fraîcheur matinale. Le sentier qui court à travers le tapis de verdure sous les Rochilles est dallé de pierres plates de tailles imposantes.
Nous quittons le secteur amolli pour retrouver la dureté de la roche et monter au lac de la Clarée à peu de distance du Seuil des Rochilles (2459). Neuf mètres de dénivelé négatif, quelques foulées et le lac Rond apparaît derrière un rempart de blocs de roches blanches. Les vestiges d'une ancienne mine témoignent d'une activité humaine dans cet endroit quasi inaccessible. Un large chemin où subsistent des parties empierrées nous emmène au sommet d'une petite côte d'où nous surplombons le Lac du Grand Ban. Le lac cristallin qui scintille au fond de sa cuvette est contourné et le col des Rochilles (2496) atteint. Dans cet univers minéral où tout est silencieux, la vue en enfilade sur les trois lacs, nappes azurées aux reflets d'argent, est une ode à la nature. De nouveau le sentier se redresse pour passer le col des Cerces (2574). Une descente toute en douceur et le lac des Cerces mi-ombre mi-soleil nous apparaît dans une prairie verdoyante. À la cote 2396, le ruisseau des Cerces est traversé et nous quittons le fond du vallon.
Une longue montée par un étroit sentier et le col de la Ponsonniere (2613) est franchi. Le Pic de la Ceinture et la Pointe de la Fourche au pied desquels nous avons randonné dans la descente du col des Cerces nous paraissent déjà bien loin. Côté sud le Grand Lac blotti là bas dans son entonnoir à la cote 2282 nous semble bien petit. Une goutte d'eau dans un paysage qui s'étire vers le ciel. Le GR57 est abandonné au profit de la variante. Au lac de la Ponsonniere, l'échancrure entre la Roche Colombe et les Arêtes de la Bruyère nous offrent un panorama grandiose sur la Montagne des Agneaux et ses glaciers. La reposante descente de l'alpage aux herbes courtes nous emmène à la bergerie qui domine le lac. La variante aux marques blanches et rouges est à son tour délaissée pour descendre au Grand Lac. Les versants abrupts et verdoyants du lac se reflètent dans les eaux d'un bleu intense.
C'est par la cheminée quasi verticale d'une cinquantaine de mètres bien sécurisée par des câbles que nous entamons la descente. Au pied de la barre rocheuse, nous trouvons un sentier couvert de caillasses qui dévale une pente abrupte. Le chemin s'adoucit dans une pelouse rocailleuse où les gentianes se fanent. Le sentier devient doux au pas à hauteur de la résurgence du Grand Lac qui donne naissance au torrent du Plan Chevalier. Nous accompagnons ces flots rive gauche pour traverser le torrent du Rif, son confluent, à l'Alpe du Lauzet. Nous empruntons le GR50 Tour du Haut Dauphiné pour dévaler au Pont de l'Alpe et traverser la N91. Il nous reste à descendre au Lauzet dans la Vallée de la Guisane. Nous terminons l'étape par une « Alphan ambrée », bière régionale au gîte « l'Aiguillette du Lauzet » où nous sommes les seuls à cantonner.
Le
soleil qui tombe derrière le massif des Écrins plonge le village dans l'ombre.
La délicate lumière rasante qui joue sur la palette des ors colore la roche de
l'Aiguillette du Lauzet tout là haut à 2700 mètres. C'est
avec les maîtres de maison autour d'un repas digne de Gargantua que cette
journée à vivre prend fin.
3 septembre : Le Lauzet - Pont d'Arsine (alt. 1667) Dénivelé + 840m.et - 780m. Temps 7h.
C'est seuls que nous déjeunons et préparons notre pique-nique avec la cuisine à notre disposition.À peine chaussés, le bitume érode nos semelles pour descendre aux quelques maisons des Boussardes où nous passons rive droite de la Guisane. Joseph me fait remarquer qu'André profite de notre aspiration dans le large chemin en pente douce qui ondule parmi les mélèzes. À l'entrée du Casset, la vallée est abandonnée pour suivre le GR54 du Tour de l'Oisans vers l'ouest et remonter le torrent du Petit Tabuc.
À partir du pont du Clos du Gué où au XIXe siècle les blocs de glace descendus du glacier du Casset étaient découpés et envoyés vers Briançon, le chemin forestier se raidit en association avec une sente qui coupe ses lacets. Nous randonnons dans la douce lumière matinale à travers la forêt du Grand Prés avec en contrebas les eaux bouillonnantes du torrent. À la sortie du mélézin, le petit lac de la Douche (1900) caché au creux des pentes d'éboulis scintille sous un soleil généreux.
L'étroit sentier qui nous hisse sur le plateau s'élève rapidement à travers les éboulements squattés par des mélèzes rabougris qui stabilisent le bas des versants abrupts. Le parcours quasi horizontal est parsemé d'énormes blocs de roches dans un tapis de genévriers buissonnants au baies bleuâtres. Les eaux enfarinées du torrent impétueux abrasent et polissent le pied de la montagne des Agneaux. À hauteur de la cabane pastorale, il forme un grand « s » turquoise dans la verdure de la grasse pelouse alpine où vagabondent les marmottes. Arrivé au col d'Arsine (2352) le temps étant de plus en plus menaçant, nous abandonnons l'idée de monter au lac du glacier d'Arsine (2455).
Nous laissons derrière nous la longue mais superbe montée du vallon du Petit Tabuc pour descendre celui de l'Alpe de Villar d'Arêne dans un décor bucolique. Le sommet du col est couvert d'une herbe jaunissante qui vire au vert tendre au fur et à mesure de la perte d'altitude.
Une averse trouble et rend flou le miroir sombre du petit lac des Étoiles (2230) où nous pique-niquons. La pluie cesse. Les nuages en masse lourde enlacent les sommets de la Montagne des Agneaux et le Pic de Neige Cordier. Sur la vallée, le soleil qui filtre à travers des trouées d'un bleu délavé allume le paysage. Dans la douce descente de l'alpage, des marmottes dodues égrainent les graminées à belles dents tout en nous regardant passer.
Aux Voûtes, le sentier qui devient schisteux et plonge dans le fond de vallée par de nombreux lacets est descendu avec prudence sous la bruine. Nous surplombons la Romanche qui prend sa source dans le vallon du Plan de l'Alpe. Comme en colère, ces eaux grondent et plongent en cascade dans un cahot rocheux pour être domptées par l'horizontalité de la vallée au Pas d'Anna Falque. Le pont sur le ruisseau du Colombier est traversé et c'est sous une pluie glaciale et serrée que nous rejoignons le gîte du Pas de l'Anne au Pont d'Arsine. La nuit avec son cortège de pluie, de rafales de vents, d'éclairs qui zèbrent l'obscurité aussitôt suivis de roulements de tonnerre n'augure rien de bon pour la journée de demain.
4 septembre : Pont-d'Arsine - Le Chazelet (alt. 1800) Dénivelé + 540m.et - 400m. Temps 6h.Au petit matin, les cimes qui nous entourent à plus de 3000 mètres sont encapuchonnées de beaux bonnets blancs. La pluie s'est tue, les nuages en masses sombres menacent. Nous entamons cette courte étape par quelques mètres sur l'asphalte avant de passer sur la rive gauche de la Romanche par le pont des Brebis, où nous retrouvons le GR 50, et suivre son cours par un étroit sentier. Des pendeloques d'une eau transparente diamantent les hautes herbes qui ont tôt fait d'imbiber le cuir des chaussures à peine sec de la veille.
Une première averse nous offre un arc-en-ciel qui enjambe la rivière baignée d'une lumière transparente sur fond de ciel métallique. Nous cheminons pour ainsi dire horizontalement à travers la forêt avec de belles échappées sur Villar-d'Arêne sur la rive droite. Un raidillon pour monter à la Chal d'Outre d'où la vue est imprenable sur le versant opposé et la crête du Plateau d'Emparis. Les muscles se contractent dans la délicate descente rendue glissante par les intempéries pour repasser rive droite de la Romanche.
C'est ruisselants sous une pluie battante que nous entrons dans le village de la Grave dominé par la Meije. Nous trouvons refuge dans un snack-bar à l'abri du mauvais temps. La masse nuageuse qui enveloppe les glaciers fantomatiques qui nous toisent se dissipe lentement. C'est sous la bruine que le balisage nous fait monter par d'étroites ruelles vers le haut du village. Sur son rocher, l'église de la Grave et la chapelle des Pénitents qui dominent la vallée apparaissent dans un voile de brume. Superbe ensemble architectural de style Lombard, bâti en tuf, érigé au XI e siècle.
Un large chemin détrempé à travers la prairie de Chalombard nous hisse aux quelques maisons des Terrasses d'où nous jouissons d'un panorama monochrome sur la vallée noyée dans le brouillard. Il nous faut contourner l'église aux moellons équarris avec son porche couvert d'un auvent qui prend appuis sur deux colonnes en pierre. Nous quittons le site pour pénétrer dans les volutes de vapeur d'eau qui traînent au sol et atteignons le ruban noir de la route qui nous conduit au Chazelet. Visibilité vingt mètres. À l'oratoire des Portes ou chapelle Sainte Anne, un léger souffle d'ouest chasse les nuages qui s'en vont mourir du coté du Galibier. Le soleil réapparaît enfin pour nous offrir une explosion de couleur dans un chatoiement de lumière. Le petit village du Chazelet est traversé pour nous rendre au gîte « Chez Baptiste » où tout est fermé sauf le dortoir où nous nous installons.
Nous avons tout le loisir de parcourir les ruelles désertes et d'admirer au passage les greniers typiques en bois de mélèze avec leur porte cloutée fermée par une grosse serrure le « fareuille ». L'occasion nous est donnée de bavarder un bon moment avec un septuagénaire du cru, du temps passé et présent. Le Chazelet est un balcon unique et grandiose sur le massif des Écrins. À portée de main, le massif granitique de la Meije et ces glaciers légèrement bleutés dans la lumière de fin d'après midi surplombe majestueusement la vallée de la Romanche.
À 18
heures toujours pas de gardien, à 18h30 l'inquiétude nous gagne. À 19 heures
nous trouvons « Baptiste » attablé en compagnie de ses chiens, tout
étonné de nous voir, vu le temps exécrable de la journée. Une
demi-heure plus tard notre repas est servi et nous bavardons avec notre hôte
dans un décor rustique. Fin de soirée, il nous confie les clefs de
l'établissement car il assure un service de transport scolaire qui l'occupe dès
l'aube.
5 septembre : Le Chazelet - Mizoen.Dénivelé + 875m et - 1430m. Temps 9h.
À 7h nous prenons possession de la salle à manger où tout est préparé pour le petit déjeuner et le pique-nique. Joseph s'évertue à faire sortir les chiens qui en ont profité pour rentrer. Il nous faut descendre le village et traverser le torrent du Ga pour que nos pas entament la montée aux nombreux lacets serrés qui à chaque détour nous offrent une vue magnifique. Nous atteignons le plateau d'Emparis survolé par plusieurs faucons crécerelles qui contre le sens du vent exécutent leur vol stationnaire à la recherche d'insectes ou de petits mammifères.
Les glaciers du Tabuchet, de la Meije, du Rateau et de la Girosse sont d'une beauté à ravir sous un ciel d'azur avec quelques nuages qui glissent sur les sommets environnants. Des ébauches d'ombres et de lumières sans cesse remaniées courent sur leurs surfaces d'une blancheur éclatante. Mais il nous faut avancer.
C'est par un agréable sentier à travers l'alpage qui lentement se pigmente de roux couleur cassonade, que nous traversons le rif de Caturgeas et montons au col du Souchet (2360). Nous prenons le temps d'observer une hermine qui sans cesse virevolte dans un amas rocheux à proximité du col. Au loin vers le nord un immense troupeau de moutons pacage. Un beau parcours en pente douce nous emmène à l'altitude 2210 où se mélangent deux torrents pour former le rif Tort. Nous abandonnons le GR54 pour le GR54C et le GR50. Pendant quelques instant nous accompagnons les eaux claires du rif Tort qui bientôt plongent dans la vallée pour aller grossir les eaux de la Romanche mille mètres plus bas. Vers l'amont la silhouette du Goléon (3427) ferme l'horizon.
Dans la dernière côte de la randonnée, un vautour nous survole pour aussitôt disparaître derrière une colline. Nous passons la porte du refuge du Fay où nous prenons notre pique-nique accompagné d'une soupe. La gardienne nous confirme que depuis deux ans les vautours sont présents en nombre. Nous terminons la causette avec notre hôte pour entamer la longue descente vers Mizoën. Sur le chemin pastoral, nous luttons contre un vent fort qui monte de la vallée. À la côte 2200, nous empruntons le petit sentier perpendiculaire aux courbes de niveaux à travers le Clot du Pertuis. Comme par enchantement, nous sortons de la zone venteuse et la masse turquoise du lac de Chambon, dans un léger voile de brume là-bas dans la vallée, nous saute aux yeux.
Le sentier devient marécageux à hauteur des sources qui donnent naissance au ruisseau de la Pisse, affluent de la Romanche. À peine sortie de terre, les eaux limpides se précipitent en plusieurs cascades du haut des rochers pour se fracasser dans des tourbillons d'embruns et perturber le silence de la montagne. Les ruisselets tentaculaires ainsi formés zèbrent d'une couche minérale ocre la roche grise polie par le ruissellement des eaux qui se mélangent pour former un ruisseau bouillonnant qui tombe littéralement de la montagne. Nous quittons ce lieu par une raide descente schisteuse qui nous emmène à hauteur du refuge du Clot où le dénivelé devient nul aux abords du petit lac de Lovitel. Taillé dans la roche anthracite à flanc de la Grande Clapière et de l'Ardoisière, l'étroit sentier qui domine le lac du Chambon conduit nos pas aux Aymes.
Il
nous reste à dévaler un à-pic schisteux avec vue plongeante sur Mizoën, terme
de notre randonnée. Les
épaules soulagées, les muscles assouvis, les yeux rassasiés, nous vidons le bar
(pas bien rempli) du gîte d'étape Emparris.
Hébergements :
BESSE en OISANS : gîte Le Sarret 0033.476 80 06 22 accueil sympa.
NEVACHE : gîte Le Creux des Souches 0033.492 21 16 34 accueil sympa + bonne table.
Refuge du MONT THABOR 0033.479 20 32 13 accueil sympa.
Refuge des DRAYERES 0033.492 21 36 01 accueil sympa + bonne table.
LE LAUZET : gîte l'Aiguillette du Lauzet 0033.492 24 55 55 accueil sympa + bonne table a recommander. e-mail : gite.lauzet@wanadoo.fr
VILLAR d'ARÊNE : gîte le Pas de l'Anne 0033.476 79 94 28 accueil sympa + bonne table.
LE CHAZELET : gîte Chez Baptiste 0033.476 79 92 09 accueil sympa (quand il est là.)
MIZOËN : gîte l'Emparis 0033.476 80 18 69 accueil sympa + bonne table.
Cartographie :IGN 1/25000 NEVACHE-MONT THABOR 3535 OT
MEIJE-PELVOUX 3436 ET
LES DEUX ALPES 3336 ET
Le topo guide, les réservations et le compte rendu ont été réalisé par Raymond Klein.
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